Depuis l’Antiquité, l’humanité aime relever ses plats d’un petit goût acide. On retrouve d’ailleurs mention du vinaigre dans le Livre des Nombres (le quatrième livre de la Bible). Depuis, une multitude de vinaigres – du vinaigre de cidre au vinaigre des quatre voleurs en passant par le vinaigre rosat et une multitude de vinaigres de plantes – ont été conçus pour ravir nos papilles, nous soigner ou nous embellir. Ces derniers temps, le vinaigre fait polémique. Cela fait plusieurs années que l’on trouve fréquemment du vinaigre balsamique sur nos tables. Lorsqu’on y met le prix, ce produit est un délice et ressemble ni plus ni moins à du miel noir. Malheureusement, on trouve aujourd’hui beaucoup de faux vinaigres balsamiques ; en fait, ils sont presque tous faux.
Comme il suffit que le vinaigre soit « produit » dans la vaste région d’Émilie-Romagne (celle de Bologne) et qu’il ait vaguement un goût sucré, cela laisse à beaucoup d’agro-industriels le loisir de nous vendre du vinaigre souillé au colorant E150d, le même que l’on retrouve dans les colas, et qui est reconnu comme cancérigène depuis 2012.
Aussi, vendu chez les apothicaires, il servait aussi bien de remède que de nettoyant et de cosmétique…
Un goût apprécié depuis l’Antiquité
Depuis l’Antiquité, l’humanité aime épicer ses plats, et elle aime depuis longtemps aussi les relever d’un petit goût acide.
On le retrouve aussi dans l’Évangile, sous la forme de l’éponge de vinaigre tendue à Jésus sur la croix. Beaucoup croient encore qu’il s’agissait d’un supplice supplémentaire, alors qu’il s’agissait d’un rafraîchissement. Les Romains consommaient fréquemment de la posca pour se désaltérer, du vinaigre allongé d’eau auquel on mélangeait du blanc d’œuf.
Le vin, lorsqu’il fermente, perd en volume, et au contact de l’air, tourne normalement à l’aigre. Il se forme alors sur sa surface un film constitué par des bactéries dites acétiques. Ce film est appelé mère de vinaigre et peut servir à fabriquer du vinaigre avec n’importe quel vin auquel il est ajouté.
Pour que le vin ne tourne pas, il est régulièrement ouillé : on rajoute du vin pour compenser la réduction du volume dans les fûts et ainsi éviter que l’air ne l’aigrisse.
Le vinaigre des quatre voleurs
On trouve des vinaigres chez les apothicaires depuis la Renaissance. Il faisait alors partie de ces remèdes anciens variés et originaux. Le vinaigre, lui, passa à la célébrité lors de l’épidémie de peste bubonique qui frappa Toulouse entre 1628 et 1631, laissant 50 000 morts dans son sillage. Il se trouvait alors quatre « voleurs » qui avaient trouvé un moyen de commettre leurs méfaits en toute impunité, sans être sujets à la maladie. Ils furent néanmoins attrapés et, bien qu’ils aient donné la recette, pendus.
En 1720, ce fut à Marseille que la peste frappa, et des brigands imitèrent leurs quatre prédécesseurs, aussi illustres qu’anonymes. Cette fois-ci, on les gracia en échange de leur recette, et celle-ci est encore conservée au musée du Vieux Marseille. Les apothicaires la complétèrent et le Codex l’officialisa en 1748, pour l’abandonner en 1884. Elle contenait à l’époque des sommités sèches de grande absinthe et petite absinthe, du romarin, de la sauge officinale, de la menthe poivrée, de la rue des jardins, des fleurs de lavande et de la racine de Calamus, de l’écorce de cannelle et du clou de girofle ainsi que de la noix de muscade, le tout complété de camphre,
En fait, le vinaigre des quatre voleurs n’était pas un remède, mais plutôt un antiseptique. Il permettait d’éloigner les puces porteuses du bacille de Yersin, responsables de la peste bubonique. De fait, certaines professions étaient peu touchées, comme les forgerons par exemple, tandis que d’autres l’étaient beaucoup plus, comme les boulangers et les bouchers, plus au contact des rats dont les puces sont les premières porteuses de la maladie.
Cette ancienne recette a depuis connu bien entendu des déclinaisons, chacun ajoutant sa marque de fabrique ou sa plante fétiche à la synergie d’origine. Le vinaigre des quatre voleurs est aujourd’hui typiquement utilisé comme un produit polyvalent, assainissant la maison, désinfectant la peau, répulsif pour les poux, apaisant des piqûres de moustiques, soin capillaire… La liste de ses propriétés est longue, ce qui explique certainement sa longue vie et sa présence encore aujourd’hui dans de nombreuses pharmacies familiales.
Un reconstituant : le vinaigre de cidre
Le vinaigre de cidre est quant à lui un tonique nerveux et cardiaque, qui résorbe la fatigue. Il reminéralise, stimule la digestion et l’immunité, il revitalise, fait prendre du muscle et est recommandé aussi bien pour les sportifs que dans les cas de maladies infantiles.
Il est particulièrement efficace contre les bactéries qui suscitent les maux d’oreille. Des gargarismes, à raison de 2,5 cl de vinaigre de cidre pour 7,5 cl d’eau tiède, permettraient de vaincre l’enrouement et les maux de gorge.
Il est également recommandé contre l’ostéoporose, les rhumatismes, les arthrites, les hémorroïdes et les affections gynécologiques. Et il peut aussi servir de cosmétique pour les cheveux, les mains et les pieds. Bref, une cure de vinaigre de cidre, c’est un coup de fouet généralisé.
Le cocktail: 2 cuillères à café de vinaigre de cidre et une cuillère de miel dans 100ml d’eau riche en sodium. Une cure consiste à en prendre un demi-verre par jour pendant trois semaines.
Un cosmétique : le vinaigre rosat
Au XIXe siècle, avec l’amélioration de l’hygiène publique, les vinaigres comme parfums connurent un essor. Ils devinrent des produits de beauté et de soin, renommés pour leurs propriétés régénératrices et adoucissantes pour la peau.
On trouva ainsi des vinaigres d’agrumes, mais aussi de fleurs. Le vinaigre rosat (à base de rose) est le plus célèbre avec l’œillet.
Pour fabriquer votre vinaigre rosat, faites macérer pendant dix jours 150 g de pétales de roses rouges de Provins dans 300 g d’alcool à 90 °. Puis ajoutez un litre d’eau de rose et laissez macérer deux jours. Agitez vivement le flacon et passez le tout à travers un papier filtre.
Les vinaigres à base de plantes unitaires
On trouve en vente, encore aujourd’hui, plusieurs vinaigres médicinaux, qui allient les vertus du vinaigre à celles des plantes auxquelles il sont associés. Mais vous pouvez également les préparer vous-mêmes par une macération de quelques semaines.
Le vinaigre de sureau (Sambucus nigra) est très simple à fabriquer et très bon, notamment sur les salades. Il sera également utile en cas d’encombrement bronchique ou de refroidissement. Cueillez les fleurs du sureau noir, mûres, mais pas fanées, enlevez les tiges rigides des ombelles, mettez les fleurs dans un bocal sans les presser. Enfin, versez le vinaigre sur les fleurs jusqu’à remplir le bocal, puis laissez macérer au soleil de juin pendant deux semaines à un mois. Filtrez et conservez à l’abri de la lumière.
Le vinaigre de romarin, par exemple, est recommandé en cas de coup de fatigue, de surcharge du foie et de faiblesse digestive. Il est également appréciable contre les douleurs articulaires et musculaires. On en prend à raison d’une cuillère à café dans un verre d’eau tiède, une à deux fois par jour, avant le repas et avant 16 h, si vous ne voulez pas qu’il vous empêche de dormir.
Le vinaigre de sauge, pour sa part, est plutôt recommandé pour atténuer les symptômes déplaisants de la ménopause : bouffées de chaleur, transpiration excessive, nervosités, maux de tête. Il se prend une à trois fois par jour, de la même façon que le vinaigre de romarin.
Enfin, le vinaigre de thym se prend dans les mêmes proportions que le vinaigre de romarin. Il est efficace pour toutes les affections respiratoires, ainsi que pour dégager la sphère ORL. Il a également fait ses preuves sur tout le système digestif. Ainsi, il est autant recommandé contre les maux de bouche et de dents que pour soigner les dérèglements digestifs et intestinaux.
Le vinaigre est donc un allié santé au quotidien, en même temps qu’un condiment. Peut-être regarderez-vous votre vinaigrette différemment désormais !
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