Des herboristes qui dérangent…

L’inadaptation actuelle de la réglementation française encadrant le commerce des plantes médicinales est criante. D’une part, elle interdit aux gens les plus impliqués et compétents dans le domaine de fournir des conseils sur leurs propriétés thérapeutiques. D’autre part, elle privilégie des pharmaciens qui, souvent, connaissent peu les plantes ou leur préfèrent les médicaments allopathiques.

Le 17 février 2016, Jean-Pierre Raveneau, de l’herboristerie de la place de Clichy, a été condamné à un an de prison avec sursis. Sa compagne Nicole Sabardeil, propriétaire de l’herboristerie de la rue Saint-André-des-Arts, a quant à elle été condamnée à 2 000 € d’amende et trois mois de prison avec sursis. Sa société Pharma Concept, copropriétaire de l’herboristerie de la rue Saint-André-des-Arts, devra s’acquitter d’une amende de 50 000 €. Les prévenus devront verser 2 000 € au titre de préjudice moral à l’Ordre des pharmaciens qui s’était constitué partie civile dans le procès.

L’objet de la condamnation : l’exercice illégal de la pharmacie en récidive. Jean-Pierre Raveneau avait en effet déjà été condamné en 2011 à un an de prison avec sursis et 15 000 euros d’amende pour la même infraction. Bien que docteurs en pharmacie, ces deux praticiens ne sont pas inscrits à l’Ordre des pharmaciens et n’exercent pas au sein d’une officine. À ce titre, ils n’ont le droit d’assortir leurs ventes de plantes d’aucune allégation de santé, ce monopole relevant exclusivement des pharmaciens d’officine depuis 1941.

herbo clichy

Nous ne souhaitons pas nous attarder sur le fond de cette affaire, égrenée qu’elle a été de nombreux rebondissements juridiques depuis 2005. Mais au-delà de ce cas particulier, on peut légitimement s’interroger sur le cadre réglementaire ubuesque qui autorise la succession de ces affaires depuis des années.

Car rappelez-vous : en 2013, c’était Michel Pierre, depuis cinquante ans à la tête de l’herboristerie du Palais Royal à Paris, qui était poursuivi par le même Ordre des pharmaciens et condamné en appel. Son grand tort ? Simplement de s’être prévalu du titre d’herboriste, lui qui tient… une herboristerie. Même le procureur à l’époque était gêné aux entournures lors de l’audience face à l’absurdité de la situation :          « Formellement, vous serez déclaré coupable, mais j’ai totalement conscience des limites de cette loi puisque l’on est dans une impasse totale. On peut aussi déplorer que le savoir-faire des herboristes, qui existent depuis des siècles, voire depuis toujours, et qui sont les ancêtres des pharmaciens, se perde… J’espère que les législateurs trouveront les moyens de régulariser les choses », déclarait-il alors.

Protection du consommateur ou crime de lèse-business ?

L’inadaptation actuelle de la réglementation française encadrant le commerce des plantes médicinales est criante. D’une part, elle interdit aux gens les plus impliqués et compétents dans le domaine de fournir des conseils sur les propriétés thérapeutiques des 148 plantes autorisées à la vente en dehors des officines : vous pouvez vendre du thym ou du romarin, mais n’allez pas vous aventurer à dire – et encore moins à écrire – qu’il est antiseptique. Vous pourriez être condamné.

D’autre part, en leur octroyant une juteuse rente sur une vente de produits phyto en pleine expansion, ce contexte juridique privilégie des pharmaciens qui, pour beaucoup d’entre eux, connaissent peu les plantes ou leur préfèrent les médicaments allopathiques. Prenons garde toutefois à ne pas confondre l’ensemble d’une profession avec l’instance censée en défendre les intérêts. Sur le terrain, les choses bougent, et de plus en plus de pharmaciens exigeants ou passionnés se forment désormais à l’art subtil de la phytothérapie. Officiellement, ce monopole pharmaceutique du conseil serait pour protéger le consommateur, raison honorable s’il en est. Mais ce cas particulier cache mal un climat plus général de suspicion entretenu par l’Ordre des pharmaciens à l’encontre de toutes les personnes extérieures à leur corporation se mêlant de plantes médicinales.  Une question s’impose donc : cet acharnement n’aurait-il pas au moins autant à voir avec le crime de lèse-majesté, ou plutôt de lèse-business, qu’à la protection du consommateur ?

Le sénateur écologiste Joël Labbé souhaite aujourd’hui reprendre le flambeau et pouvoir proposer une nouvelle loi d’ici la fin 2016 sur la reconnaissance du métier et de la filière.  Après soixante ans de quasi-immobilité politique sur cette question, et alors que l’appétence des Français pour la phytothérapie et les remèdes naturels ne cesse de croître, il est grand temps que les choses bougent.

3 comments on “Des herboristes qui dérangent…Add yours →

  1. Exactement, il faut que ça bouge. Je me rappel de ma grand mère qui s’est toujours soignée par les plantes, elle arrivait à trouver encore dans les années 80 des mélanges spécifiques réalisés par un véritable herboriste. Malheureusement l’appel du gain de ces pharmacien font tout pour contrer l’avancement. On est dans un système pourri : ce nourrir de façon saine coûte plus cher que manger de la m…, du coup nous déclarons divers symptômes que nous guérissons avec des médicaments coûteux et qui nous affaiblissent, on fait marcher le commerce des pharmaciens, le business de ces cons de prof lib de santé qui s’engraissent sur notre dos, qui ce moquent de notre santé, seul leur importe d’engranger un max de poignon pour les prochaines vacances ou la dernière voiture à la mode. Et vous imaginer la tronche des industriels des labo pharmaceutique? Si nous sommes en bonne santé c’est forcément moins de rentabilité pour eux… Bref on tourne en rond. En tout cas pour ma part, je cultive mon potager, n’achète aucun aliment industriel et je me documente le plus possible sur la phytothérapie. J’essai au maximum d’avoir une activité physique régulière malgré un emploi sédentaire et d’avoir du bon sens.

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